Tous les matins à 6 h 45, Fred Hair, manager des taxis Yellow Cab, enfourche sa bicyclette et attaque les reliefs de Colorado Springs avant d'aller au bureau. «En ligne directe, ça ne ferait que 4 miles, pas assez pour un cycliste, explique-t-il. Je fais donc des détours, pour parcourir entre 10 et 15 miles.» Parvenu au parc Palmer, couronne de roches, pins et yuccas sur la ville, le cycliste croise chaque jour le même écriteau, à moitié déchiré, posé sur un petit bâtiment cadenassé : «Toilettes fermées pour cause de réduction budgétaire». Ce matin encore, Fred secoue le cadenas et s'interroge : «Je suis pour la limitation des dépenses publiques, mais comment faire sans toilettes ? Les gens font maintenant leurs besoins dans le parc, imaginez.»
Au pied des Rocheuses, comme dans beaucoup d’autres villes américaines, la crise se voit à ces milliers de détails. En 2010, les rentrées fiscales de la ville ont chuté de 7%. Pour compenser, le maire a proposé d’augmenter la taxe foncière, particulièrement légère ici. Mais les habitants, consultés par référendum, ont refusé. La ville a donc pris toute une série de mesures pour réduire ses dépenses : éteindre les lampadaires, fermer les WC publics, retirer les poubelles des parcs, laisser les plates-bandes municipales en jachère, fermer les piscines, supprimer les bus en soirée ou le week-end… Pour Colorado Springs, conçue en 1871 comme une ville de villégiature par le général Palmer, et habituée à l’opulence