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Libération
TRIBUNE

En Egypte, on continue de juger comme avant

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par François SUREAU, Ecrivain
publié le 18 avril 2011 à 0h00

Silence, on juge. Un tribunal militaire réuni au Caire a condamné, il y a quelques jours, le blogueur Maikel Nabil a trois ans de prison pour «atteinte à l'armée», c'est-à-dire pour un délit d'opinion.

A la faveur d'une transition réglée par elle selon la philosophie de Lampedusa - «Tout changer pour que rien ne change», et d'abord la part considérable du revenu national que les généraux s'attribuent - l'armée égyptienne règle de vieux comptes : Maikel Nabil avait créé un mouvement d'objecteurs de conscience, et affichait depuis longtemps des opinions favorables à la paix avec Israël. Le délit qui lui est reproché est d'avoir relaté sur son blog sa détention, en février, par la police militaire, détention pendant laquelle il avait été battu et torturé. Quant au déroulement de son procès, il illustre la phrase célèbre de Clemenceau, selon laquelle la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique. Introduits dans la salle d'audience, les avocats de Maikel Nabil se sont vus signifier par le Président le renvoi du procès à une date ultérieure. Puis, après qu'ils aient quitté la salle, la cour a tout bonnement jugé et condamné Maikel Nabil, hors la présence de ses défenseurs.

Ce drame judiciaire devrait importer à tous ceux qui ont placé des espoirs dans le «printemps égyptien». Elle montre que hormis la chute d’un dictateur, et quelques poursuites anticorruption soigneusement limitées et annoncées à son de trompe, rien n’a changé