On l’aura noté : la principale demande politique des foules syriennes est l’abrogation de l’état d’urgence en vigueur depuis l’arrivée au pouvoir du parti Baas, en 1963. De même, une des premières demandes adressées par les manifestants égyptiens à l’armée en charge de la transition a été la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1967. Ainsi, les mouvements populaires dans le monde arabe expriment une aspiration à une sortie de l’état d’exception, à une normalité de fonctionnement d’un Etat de droit : refus de l’arbitraire policier et de la corruption, libre expression de la société civile, rejet de l’accaparement du pouvoir politique et des richesses, séparation des pouvoirs, respect des droits individuels…
Est-il nécessaire de souligner que ces normes ne sont ni le propre ni la propriété de l’espace occidental ? Dans nos démocraties, après le 11 Septembre, les principes de l’Etat de droit ont été fréquemment restreints, voire piétinés. Une «gouvernance sécuritaire» est apparue, qui a pris parfois la forme d’états d’urgence promus au nom de la «lutte contre le terrorisme», notamment aux Etats-Unis, avec le Patriot Act, puis Guantánamo, Abou Ghraib, les «prisons secrètes», et jusqu’à la réapparition de la torture. Certes, il restait possible de faire jouer des contre-pouvoirs et de congédier électoralement les gouvernants : l’élection d’Obama a été un premier signe, partiel, d’un changement de direction, impulsé par le peuple américain contre le démantèlement de l’Etat d