A10 h 10, hier, une fois passé le portique métallique qui matérialise la sortie vers Brega quand on sort d'Ajdabiya, un obus éclate dans le sable. Le chauffeur quitte la route d'un coup de volant, psalmodie quand le deuxième s'écrase à 70 mètres sur la gauche, recouvrant de sable la bagnole, fait hurler l'embrayage, percute un des trois chiens qui sortent soudain d'une guérite criblée d'impacts par des combats des semaines passées, et baisse la tête dans le volant, en intercession fervente auprès de Dieu - le tout à 120 à l'heure -, quand le bruit sourd du troisième obus vient éclater derrière, recouvrant totalement la lunette arrière de sable. Le chauffeur suivait un pick-up qui ouvrait la route «pour montrer le front à 40 km au-delà d'Ajdabiya», selon ce combattant, «mécano avant la guerre». Mais le front est depuis hier indubitablement beaucoup plus près, sous le portique qui marque l'entrée de la ville.
A 10 h 45, une des huit ambulances de l'hôpital d'Ajdabiya rentre justement de ce front «qui bouge sans cesse», comme le dit Mohamed, un des ambulanciers. La Mercedes sanitaire conduit par Mansour Abdallah freine dans la cour : «On ne tient plus les positions sur la route de Brega ! Toutes les ambulances rentrent. Il faut évacuer. Les tirs sont à 500 mètres de l'hôpital.» Deux Chevrolet font crisser les pneus. Un combattant est extrait, la cheville vilainement abîmée, à l'équerre. Le chirurgien en chef, un homme affable qui parle un angl