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Libération
TRIBUNE

L’intellectuel engagé, une maladie française

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par Marc Weitzmann, Romancier
publié le 21 avril 2011 à 0h00

Il y a, dans la querelle ouverte ce week-end par Claude Lanzmann contre l’intervention en Libye - et, sans le nommer, contre Bernard-Henri Lévy - plus qu’une simple querelle «parisienne». Le rôle de BHL dans le déclenchement de ce conflit international est en effet notoire, concret, sérieux. Il faut bien mesurer ce que cela signifie. Nous ne sommes plus dans le folklore ni dans le temps des débats aussi émouvants qu’impuissants sur ce qu’il conviendrait de faire pour changer le monde - et l’aspect à la fois touchant et odieux de ces débats tenait surtout à leur absence d’effets. Non. Cette fois, les mots sont suivis d’actes. La vie intellectuelle de St-Germain-des-Prés a désormais sur le cours des choses mondial une influence réelle, mesurable en sang versé et en nombre de morts. Née en France, structurée durant la guerre froide, tombée en désuétude après la chute du Mur, la théorie de l’intellectuel engagé trouve ainsi, paradoxalement, sa résurrection la plus étrange.

Comme en Irak, la guerre menée par la France et l’Angleterre en Libye (pour appeler les choses par leur nom) présente un mélange d’idéalisme sincère et, pour ce que l’on peut en deviner, de considérations géopolitiques plus discrètes, quoi que non moins légitimes : le pétrole, mais aussi la crainte que la décrépitude du régime de Tripoli ne débouche, à une heure et demi de Paris, sur la constitution d’un nouvel Afghanistan. En revanche, sur le plan diplomatique, les deux conflits diffèrent en ce que, dans celui