Le jour se lève et sculpte des volumes dans la masse détruite du centre-ville. Apparaît la mosquée Bilal dont le sommet, comme le bulbe d'une fleur de pavot, est constellé d'impacts. Trois tanks en contrebas, dont l'un ouvert comme une boîte de pâté pour chat. La tourelle - 7 ou 8 tonnes d'acier au bas mot - est accolée à un magasin de fringues bon marché, le canon comme un majeur pointé vers le ciel. «On l'a immobilisé en détruisant les chenilles puis, avec une bonbonne de gaz acétylénique, on l'a fait exploser», dit un père de famille qui fait poser sur le char sa fille de 3 ans, en larmes. Un autre char a défoncé un chausseur pour dames. On dirait que son canon a fondu comme un cierge. Entre les morceaux de douilles de cuivre de calibre 14,5 mm, traînent des boîtes d'escarpins italiens.
Snipers. Les pieds au bord du vide, Mohamed, 23 ans, contemple la ville depuis le toit du building Tameen, le plus haut de Misrata, après plus d'un mois de combats sur Tripoli Street. Le Tameen : huit étages, une vue plongeant sur le chaos, 55 mètres de haut, puis cette perspective dingue qui court sur quatre kilomètres vers le nœud routier de l'aéroport, là où est disposée dans la plaine l'artillerie de Kadhafi. Tripoli Street ? Vue du ciel, une immense douve en ligne droite aux rebords ébréchés. Elle est jonchée de carcasses de véhicules dont certains finissent de brûler. Jeudi, les obus sont tombés sans discontinuer de 16 heures à 23 heures. Le building a été pr