Jamel, prostré sur un petit muret, tient sa tête entre les mains. Les cernes lui tombent jusqu'au milieu du visage. Il n'a pas dormi. Dans la nuit de jeudi à vendredi, il est venu de Casablanca, dans le nord-ouest du pays, pour reconnaître le corps de son frère, Ahmed, 58 ans. Coup de fil de la police la veille et trois heures de trajet en voiture direction Marrakech. Ahmed était père de trois enfants. Professeur d'arabe de passage dans la ville, il était venu prendre un café à l'Argana. Il est mort dans l'attentat qui a soufflé ce bar très fréquenté par les touristes, situé sur la place Jamaâ el-Fna. Le visage noué par la douleur, Jamel n'arrive pas à parler. «Je ne réalise pas, je ne comprends pas, marmonne Mohamed, le grand frère de la fratrie de neuf. C'était quelqu'un de normal, il était juste passé voir de la famille à Marrakech.»
Choc. Incompréhension. Colère. Partout, ce sont les mêmes sentiments qui flottent au-dessus de la ville ocre. Devant le petit bâtiment quelconque, des ambulances attendent de transporter les corps des étrangers décédés dans l'attentat de jeudi. Au moins six Français, deux Canadiens, un Anglais et un Néerlandais. Les familles ne sont pas à la morgue, peut-être réfugiées dans leur consulat respectif. Vendredi soir, cinq corps restaient à identifier, «des Français pour la plupart», glisse un enquêteur marocain.
«Amputations». Le calme de la morgue contraste avec le bourdonnement des urgences. Des médecin