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Libération

Dans six heures, on sera à Benghazi

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publié le 2 mai 2011 à 0h00

La cabine 423 du Red Star One a été transformée en bar clandestin. Un journaliste américain passe la tête et finit par s'asseoir par terre : «Vous êtes incroyables, vous les Français : vous avez déjà trouvé de la bouffe et la gnole…» Ça sent le vieux chien dans la cabine. Se trouvent là quatre Français, deux Espagnols, deux Anglais. Chacun comprend l'autre dans sa langue maternelle comme si c'était sa propre langue. C'est surtout parce que la première bouteille a été vidée en vingt-cinq minutes.

La veille, sur cette route qui nous menait au port, trois obus de mortier étaient tombés tout près du bus qui transportait les quatre journalistes français, un jeune confrère espagnol qui rectifie sans cesse «basque, et espagnol après», et deux Anglais du Daily Mail. Mais tellement anglais : modestie silencieuse et endurance admirable. Le type du Daily Mail peut bien le dire maintenant, mais il a cru que c'était la fin et qu'il allait laisser sa peau, comme nous tous. Un obus avait éventré un conteneur à 80 mètres du minibus la veille. Le souffle avait alors secoué et fait pencher à gauche puis à droite, comme un cycliste sous la rafale de vent, le véhicule de 12 places. Le jeune chauffeur, un vrai couillu, cassé en deux sur le levier de vitesses, mains agrippées au volant, conduite à l'aveugle, avait alors lancé le bus à fond, ouvert en deux un check-point dans la fuite et écarté au passage deux bagnoles dans un bruit de ferraille. C'est d