Les ambulances montent en marche arrière dans le ventre du Red Star One, un ferry sorti des chantiers de Lubeck (Allemagne). Le bateau est immatriculé au Panama, pavillon albanais, équipage ukrainien et capitaine italien. Le ferry a accosté cinq heures plus tôt, déchargeant 200 tonnes de vivres, du matériel médical et des fauteuils roulants. La nuit précédente, le Red Star One a dû mouiller au large car la zone portuaire était sous le feu des mortiers des troupes loyalistes. Hier, le port était en flammes, après de violents bombardements.
Un vieux semi-remorque Fiat, conduite à gauche, fait siffler ses freins hydrauliques et stoppe près d'un conteneur où se consument couches et lingettes pour bébés. Le conteneur a été soufflé par un obus et dégage, à dix mètres de l'eau turquoise du quai numéro 7, une fumée rabattue par une légère brise de nord-ouest. Le chauffeur fait tomber les ridelles dans un claquement d'acier et des grappes de Nigériens, jusqu'au toit de la cabine du chauffeur, descendent en silence. Tombe alors une nouvelle salve d'obus de mortier derrière les immenses flèches des grues pour vraquiers. Un type du croissant rouge, mégaphone en main, crie «Allah Akbar» une dernière fois. Pendant deux heures le type s'est époumoné, sous les obus, à crier «Allah Akbar» devant les 1 091 Nigériens répartis sur cinq longues files et qui doivent embarquer ce jour-là dans le Red Star affrété par l'Organisation internationale pour les