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TRIBUNE

La chasse à l’homme, une nouvelle doctrine de guerre

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Ben Laden: Al-Qaeda décapitéedossier
par Grégoire Chamayou, Philosophe (CNRS-ENS-Lyon)
publié le 3 mai 2011 à 0h00

George W. Bush avait prévenu : les Etats-Unis se sont engagés dans une «chasse à l'homme internationale» (1). La guerre impériale devient chasse au criminel, et trouve là sa principale justification. Dans un rapport de la Joint Special Operations University publié en 2009, George A. Crawford proposait de «placer la chasse à l'homme au fondement de la stratégie états-unienne» (2). Cette doctrine rompt avec les stratégies conventionnelles fondées sur les concepts de fronts, de bataille linéaire, d'opposition face à face et force contre force. A la différence de l'ennemi conventionnel, le fugitif évite l'affrontement, il cherche surtout à échapper à la capture, et l'opération militaire passe alors par un long processus de détection de la proie. On lance des appels à la délation et on offre des récompenses : l'armée américaine a ainsi lancé des milliers d'affichettes Wanted sur les villages afghans pour localiser des chefs talibans. La traque se fonde sur une méthode de cartographie des réseaux sociaux de la cible, que les «chasseurs analystes» retracent patiemment, pour mieux remonter jusqu'à son repaire. Dans la doctrine de la chasse à l'homme, le but est moins de décapiter une organisation hiérarchisée que de briser un réseau.

Contrairement à la définition classique de Clausewitz, cette guerre cynégétique n’est pas, en sa structure fondamentale, un duel. Le schéma n’est pas celui de deux lutteurs qui se feraient face, mais autre chose : un chasseur q