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Libération
Interview

La mort de Ben Laden valide le tournant stratégique d’Obama

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Jean-Claude Monod, philosophe, chercheur au CNRS, enseignant à l’ENS
publié le 3 mai 2011 à 0h00

Jean-Claude Monod travaille depuis une dizaine d'années sur les transformations de la guerre et de la figure de l'ennemi dans les démocraties contemporaines. En 2007, il a publié Penser l'ennemi, affronter l'exception (ed. La Découverte).

Ben Laden restera-t-il comme l’homme qui a poussé les démocraties occidentales à prendre des mesures non démocratiques ?

La nouveauté du 11 Septembre, c'est l'avènement d'un terrorisme capable d'atteindre le sol américain. Face à une menace exceptionnelle, les démocraties ont pensé qu'il fallait des réponses exceptionnelles, quitte à suspendre les garanties traditionnelles de l'Etat de droit et des conventions internationales. C'est ce que l'administration Bush a appelé «war on terror» («guerre à la terreur»), où la notion de guerre perd sa signification classique d'un conflit armé d'Etat à Etat avec des objectifs précis pour une guerre sans limites territoriales ni temporelles. Des juristes américains ont pu estimer qu'en déclarant une guerre indéfinie et exceptionnelle à Oussama ben Laden, Bush se trouvait délié des conventions internationales et des mécanismes de contrôle. En ce sens, les attentats du World Trade Center ont marqué un basculement vers des pratiques dignes d'Etats totalitaires…

Par exemple ?

Il y a les prisons secrètes, la détention indéfinie (notamment à Guantánamo), la pratique de la torture, y compris par des soldats américains (par exemple à Abou Ghraib) et ce qu'on a appelé les «restitutions extraordinaires» : des suspects enlevés par les services américains étaient remis à des Etats dont on sait qu'ils pratiquent la torture. Une part