Chercheur et journaliste pakistanais, Ahmed Rashid est l’un des meilleurs spécialistes du mouvement taliban et d’Al-Qaeda, auxquels il a consacré plusieurs livres, dont «le Retour des talibans» (éditions Delavilla, 2009). De passage à Paris, il explique pourquoi le raid américain pour tuer Oussama ben Laden a des conséquences dramatiques pour Islamabad.
Le Pakistan vient-il de subir un grave revers ?
Absolument. Déjà, les relations avec la CIA étaient difficiles. Plusieurs épisodes en témoignent : l'affaire Raymond Davis [du nom d'un agent de la CIA qui a tué deux Pakistanais à Lahore fin janvier, ndlr], la révélation du nom du chef d'antenne de la CIA au Pakistan [probablement à l'initiative des services secrets pakistanais, ce qui a mis sa vie en danger], les frappes de drones américains [dénoncées par les autorités pakistanaises]. Avec la mort de Ben Laden, cette tension s'est accrue, et il se développe un sentiment à Washington très hostile à l'égard du Pakistan, notamment de la part des représentants républicains, mais aussi démocrates, qui veulent voir s'arrêter l'aide américaine. Or, celle-ci est considérable - entre 2,5 et 3 milliards de dollars [1,7 et 2,1 milliards d'euros] par an, à 70% militaire. Si elle s'arrête, le Pakistan, qui est en pleine crise économique, va vivre une situation très dangereuse. Déjà, l'électricité ne fonctionne plus que quelques heures par jour, l'essence fait défaut, le chômage est catast