Il est à peine 6h30, une brume froide enveloppe la prison de Martutene, au sud de Saint-Sébastien, en Espagne. Voisin d'une usine de conserves, le pénitencier a une allure vieillotte, avec ses murs blancs décatis et sa guérite d'un autre temps. Un type râblé et costaud en sort. C'est José Luis Alvarez Santacristina, 57 ans, l'ancien idéologue d'ETA (1), emmitouflé dans un anorak jaune, le visage déterminé, les lèvres serrées. «J'ai peu de temps, je vais travailler», lâche-t-il. Bénéficiaire d'un régime de «prison atténuée», il reviendra après 23 heures, comme chaque jour. L'homme s'engouffre dans une Opel Corsa fatiguée, qu'il démarre en trombe. Il voudrait tracer sa route, passer incognito. Mais dans son cas, l'anonymat n'est plus possible. Difficile de ne pas être observé, épié dans ses moindres gestes quand on s'appelle Santacristina.
Pour les Espagnols, il est Txelis, l'un des principaux dirigeants d'ETA au cours des années 80-90, lorsque l'organisation séparatiste, à son apogée, faisait régner la terreur dans la péninsule. En prison, Txelis est devenu un repenti. L'hiver dernier, la presse espagnole a révélé son intention de demander pardon aux victimes d'ETA. Aucun ex-etarra n'était allé jusque-là . Txelis l'a signifié aux juges de l'Audience nationale de Madrid, la juridiction chargée des affaires de terrorisme. Depuis 2003, le code pénal espagnol soumet trois exigences aux 579 prisonniers basques (2) désireux d'améliorer leurs conditions de détention