Le printemps judiciaire argentin se fait vieux. Déjà seize mois que le «mégaprocès» de la sinistre Ecole de mécanique de la marine, centre de torture durant la dictature militaire (1976-83), a débuté et l’automne austral est arrivé. Manque d’infrastructures, petits ratés et gros bâtons dans les roues : la machine judiciaire est lourde et le symbole pesant. Car dans ce centre de détention illégal,5 000 personnes ont été torturées avant de «disparaître», la plupart jetées vivantes au-dessus du Rio de la Plata. Ces derniers jours, devant une brochette d’accusés aux cheveux blancs et aux polos bien rentrés dans leurs pantalons repassés, plus de 200 témoins sont venus dire l’horreur, évoquer les enfants, les maris ou les amis qui n’en sont pas sortis.
La semaine dernière, les plaidoiries des parties civiles ont commencé. En premier lieu, celles des avocats des familles de victimes françaises, les deux religieuses françaises Alice Domon et Léonie Duquet, enlevées en décembre 1977 lors d'une rafle visant l'Association des mères de la place de Mai. Horacio Mendez Carreras, l'avocat des familles, a évoqué leur engagement social au plus près des pauvres, puis leur calvaire : les coups, les humiliations, la picana, ces décharges électriques appliquées partout sur le corps, les pleurs partagés avec les codétenus croisés aux toilettes. Puis le «transfert», euphémisme des bourreaux synonyme du dernier vol, celui de la mort. Plus tard encore, les corps boursouflés et défigurés reje