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Libération

L’Egypte sous le contre-coup de la révolution

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Le monde arabe en ébullitiondossier
Trois mois après la chute de Moubarak, le pays s’est enfoncé dans un marasme économique et sécuritaire qui brise l’élan impulsé place Tahrir.
publié le 28 mai 2011 à 0h00

Trois doigts. Brandis dans un geste furieux, dans l'exaspérant vacarme des klaxons. Trois doigts. Comme 3 heures du matin, l'heure à laquelle Amr a embauché derrière le volant de son taxi. Jusqu'à 8 heures, il a roulé, puis entamé sa vacation à l'aéroport du Caire, où il travaille. Et à 17 heures, il a repris son taxi. La nuit est avancée, Amr fatigué. Et les soirs où ses courses le ramènent vers Tahrir, quand il voit des groupes rassemblés autour de banderoles appelant les militaires au pouvoir à garantir les idéaux de la révolution, la fin des tribunaux militaires, l'épuration des médias, la traque des anciens du régime, Amr, on le dirait, a envie de pleurer. «Qu'ils arrêtent ce kelem fadi, ces paroles creuses. Y a plus de pain, plus d'argent. Comment on va faire si ça ne s'arrête pas un jour ?» Double job, double peine : depuis la révolution, Amr ne dort plus. L'été approche, ramadan en août et son cortège de dépenses, puis la rentrée, les cours particuliers, cette plaie inévitable, à payer pour les gosses scolarisés dans le public, et cette économie qui dévisse, ces incivilités, ces embouteillages insensés, cette insécurité, inconnue avant, ces vols dont on parle, forcément, avec toute cette racaille «évadée» des prisons pendant la révolution, et tous ces types qui se mettent sur la figure, régulièrement, dans la rue, pour un oui, pour un non, et pas ou si peu de flics pour ramener le calme. Amr n'en peut plus. La breloque en carton aux couleurs de la révolution