Menu
Libération
portrait

Franc-tireur

Article réservé aux abonnés
GERARD CHALIAND. A 77 ans, cet expert en stratégie comparée et adepte de poésie commente la guerre en arpenteur affranchi.
publié le 11 juin 2011 à 0h00

A la fin de l'Iliade, Priam vient supplier Achille de lui rendre la dépouille de son fils Hector, ce que l'implacable héros refuse. S'il finit par céder, permettant à son ennemi acharné d'avoir des funérailles et de ne pas être une âme errante, c'est qu'il a distingué dans la figure du vieux roi de Troie l'image de son propre père. A la fin de la saga d'Oussama ben Laden, soit vingt-huit siècles plus tard, les commandos américains, qui ont exécuté à bout portant le chef terroriste dans sa villa pakistanaise, s'emparent de son corps qu'ils jettent aux requins, lui déniant la moindre sépulture. Ici, un monument d'humanité. Là, un sommet de realpolitik. Parce que l'Iliade figure en bonne place dans sa bibliothèque et qu'il a un avis sur toutes les choses militaires, on demande son avis à Gérard Chaliand. Emotion toujours intacte à la lecture de l'épisode d'Homère : «Faut pas me prendre pour une brute !» Applaudissements à la mort du Saoudien : «Dans ce genre d'opération, ce n'est pas mort ou vif. C'est "mort, mort, mort". On supprime le type et on s'en va. Et je trouve très bien d'avoir envoyé des hommes au sol, à la loyale, plutôt que de le tuer par des bombardements. Jeter ensuite son corps à la mer a été la moins mauvaise des solutions.»

Chaliand n'est jamais du côté des bons sentiments. C'est la différence entre les bien-pensants des plateaux télévisés et un moraliste de terrain. A 77 ans, celui qu'on ne sait pas trop comment prés