Analyste politique, Lorenzo Meyer est historien au Colegio de Mexico, le Sciences-Po local.
Quelle importance revêt ce mouvement de protestation ?
C’est une initiative inédite et exceptionnelle au Mexique. La perspective historique nous montre qu’à l’époque de la domination du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui a gouverné le pays entre 1929 et 2000, le système autoritaire empêchait l’émergence de mouvements politiques ou sociaux indépendants. Les velléités de mobilisation étaient rapidement étouffées : soit parce que les mouvements étaient réprimés, soit parce qu’ils étaient absorbés ou cooptés par le pouvoir. Aujourd’hui le PRI n’est plus à la tête de l’Etat, nous ne sommes pas encore dans une démocratie au sens plein du terme mais nous ne sommes plus dans un système autoritaire. On ne connaît pas encore les nouvelles règles du jeu, et c’est précisément cela qui permet à Javier Sicilia de surgir avec son mouvement et de l’exporter dans tous les coins du pays. Non seulement la police n’a pas réprimé dans la violence les mobilisations organisées par le poète, mais en outre ses manifestations se permettent le luxe de se faire escorter par les forces de l’ordre. Le mouvement de Sicilia met en évidence un changement de comportement du pouvoir envers la société civile.
Le succès est-il lié à la personnalité de son leader ?
On ne pourrait imaginer meilleur leader que Javier Sicilia, un homme qui ne milite dans aucun parti politique mais q