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Libération
TRIBUNE

En Libye, les non-dits du messianisme occidental

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par Tzvetan Todorov, Philosophe
publié le 16 juin 2011 à 0h00
(mis à jour le 16 juin 2011 à 11h56)

Trois mois après avoir été déclenchée, la guerre en Libye se poursuit. L’Otan, qui en a pris le commandement, vient de se donner trois mois supplémentaires pour la conduire jusqu’à la victoire. Le pays reste en proie à une guerre civile, les «loyalistes» affrontant les «insurgés». Les loyalistes étant mieux armés que les insurgés, ils en profitent pour massacrer ces derniers, mais l’asymétrie est semblable entre forces de l’Otan et loyalistes : les canons des uns écrasent les fusils des autres, comme les missiles des uns anéantissent sans mal les canons des autres. Etant donné cette disproportion des forces, l’issue militaire de la confrontation ne fait pas de doute : les bombardements auront le dernier mot, et nous vaincrons !

L’intervention de l’Otan a évidemment détruit non seulement des armes, mais aussi des vies humaines ; et l’on ne retiendra pas la distinction fallacieuse, proposée par la Cour pénale internationale, entre victimes visées volontairement (celles de Muammar al-Kadhafi) et victimes atteintes involontairement (celles de l’Otan) : les bombes sont faites pour détruire et tuer. Simplement, les victimes chez l’ennemi ne sont jamais comptabilisées ni même mentionnées. On n’inclut pas non plus parmi les «dommages collatéraux» les réfugiés fuyant un pays en guerre, qui s’imaginent que l’Europe voisine serait heureuse de les accueillir et qui s’entassent dans des embarcations de fortune : on estime à au moins 1 200 le nombre de morts par noyade au large des côtés l