Tous ont d'abord entendu les cris mêlés de lamentations, ponctués d'«Allahou akbar» (Dieu est grand). Puis, dans un nuage de poussière, est apparu le pick-up cahotant sur la piste défoncée avec, sur la plate-forme, une grappe d'hommes hurlant, les mains tendues vers le ciel en geste de colère et de supplications. Un homme est couché à l'arrière sur le sol, le sang dégoulinant d'une blessure à la tête. «C'est un martyr», murmure un homme dans la foule qui, aussitôt, entoure la camionnette. Des femmes pleurent. Les gosses crient. Des slogans fusent : «Le peuple est uni, uni, uni!» La tête ceinte d'un bandeau blanc portant l'inscription «groupes familiaux de défense», les jeunes qui s'occupent du service d'ordre prennent le blessé sur leurs épaules et le portent vers les barbelés, suppliant les soldats turcs d'appeler une ambulance pour l'emmener à l'hôpital. Il a été touché par des tirs à 10 kilomètres de là, alors qu'il tentait de rentrer dans son village à une quarantaine de kilomètres, près de Jisr al-Choughour, 50 000 habitants, dont l'armée syrienne a repris brutalement le contrôle dimanche. Cette ville, théâtre d'une mutinerie d'une partie de l'armée il y a bientôt deux semaines, a fait l'objet d'une offensive de grande envergure avec tirs d'hélicoptères et de tanks.
Bâche. Depuis la reprise en main, les autorités de Damas ont appelé les gens à revenir chez eux. Mais nul parmi les milliers de fuyards entassés près de la frontiè