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Libération
grand angle

Marrakech. Des garçons et des hommes

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Au cœur de la ville, des jeunes se vendent à des hommes venus souvent d’Europe. Brisant l’omerta, des avocats et des ados témoignent de ce tourisme sexuel mis en lumière par «l’affaire Ferry».
publié le 23 juin 2011 à 0h00

Ils nous avaient repérés bien avant qu'on ne les voie. Quand on ose enfin les aborder, ils rient, sûrs de leur bon mot : «Vous êtes là pour le ministre ? !» Sur la place Jamaâ el-Fna, cœur de Marrakech, l'arrivée de journalistes français amuse les jeunes garçons prostitués. Ils ont suivi, comme tout le Maroc, le feuilleton des déclarations télévisées de Luc Ferry à propos d'un ex-ministre français qui se serait fait arrêter, au début des années 2000, «à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons». Rien ne les surprend, ni ces accusations, qu'ils estiment «évidemment vraies», ni le fait que les médias aient fait le déplacement depuis la France.

«Des soirées avec des personnalités ? Il y en a tout le temps, dans les riads de la Médina, ou dans les villas de la Palmeraie, sourit Jahid (1), 34 ans, "doyen" des prostitués de la place. Les clients, c'est surtout des Français, mais il y a aussi des Espagnols, des Allemands, des Anglais. Ils ont 50, 60 ans environ, c'est pas des beautés ! Moi, je suis trop vieux pour ces soirées-là. En général, ils prennent des garçons dans les 15-16 ans.»

Dans la nuit de Jamaâ el-Fna, les jeunes prostitués de moins de 18 ans sont nombreux, et aucun garçon, à part Jahid, ne dépasse les 25 ans. Ils se faufilent entre les charmeurs de serpents, joueurs de djembé, montreurs de singes, vendeurs de thé aux épices, absorbés par la foule compacte des touristes et des familles marocaines. Au premi