Elle commence à toussoter, comme si elle était soudain prise d'une allergie et colle un mouchoir sur son nez, qui dissimule une partie de son visage, qu'elle détourne pudiquement. Des larmes envahissent ses yeux lorsqu'elle commence à raconter : «Il me montait dessus ici, dit-elle en montrant du doigt le coin de la pièce, et me demandait de sourire pour lui donner du plaisir. Et je lui disais : "Comment pourrais-tu sourire si tu étais à ma place ?"» Rose Burizihiza, 40 ans, vêtue d'une ample robe en pagne couleur noir et or, retourne pour la première fois depuis dix-sept ans sur les lieux de son martyre : une petite maisonnette aux murs en terre dans un village à quelques kilomètres de Butare, dans le sud du Rwanda. En évoquant ces pénibles souvenirs, son joli visage devient livide. Pendant le génocide rwandais de 1994, où 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été tués dans le pays, cette mère de trois enfants a été violée par un groupe d'Interahamwe (miliciens hutus extrémistes), puis un conseiller municipal membre du régime génocidaire l'a séquestrée dans la maisonnette et a abusé d'elle pendant trois mois. Le reste du récit est à peine supportable, mais Rose, qui s'est soudain arrêtée de pleurer, donne tous les détails d'un ton monocorde.
Son mari a été lapidé, sa fille de 2 ans et demi traînée par une corde attachée autour du cou jusqu’à ce qu’elle succombe, et ses deux enfants en bas âge jetés aux chiens. Par miracle, Rose a pu les sauver en les cachant dans un gr