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TRIBUNE

Pour que le Maroc en finisse avec le kif du Rif

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par Pierre VERMEREN, historien du Maghreb contemporain
publié le 28 juin 2011 à 0h00

D’après divers rapports, 80% du cannabis consommé en Europe est importé du Maroc, et plus de 90% en France.

Le kif est une culture traditionnelle du Rif, montagne méditerranéenne et ancienne colonie espagnole. Mohammed V l’a légalisé à l’indépendance, confiant son «monopole» aux Rifains de la région de Kettama. Le roi voulait pacifier ses relations avec une région dissidente, et éviter l’importation de cigarettes françaises.

Initiés vers 1970 par des hippies européens de retour de l’Himalaya, les paysans rifains ont appris à transformer l’herbe en résine. Depuis, ils ont édifié une véritable industrie de production du cannabis, qui distribue le produit en Europe par le biais de l’émigration rifaine, de l’Espagne aux Pays-Bas. Région pauvre et surpeuplée, le Rif, puni par Hassan II pour sa révolte de 1958-1959, y a trouvé un moyen de subsistance. Une mafia s’est structurée grâce à des complicités dans les appareils d’Etat des deux côtés du détroit de Gibraltar.

Depuis les années 1990, le Maroc exporte de 2 000 à 3 000 tonnes de résine par an en Europe, générant 10 milliards d'euros de profit annuel et la première ressource du pays. Un tel trafic ne peut se faire qu'au vu et au su des Etats. La jeune République espagnole pouvait-elle affronter la police postfranquiste sur ce terrain très rémunérateur ? Les autorités françaises, si proches de «notre ami le roi» Hassan II, ont-elles vu dans ce trafic un moyen de stabiliser un royaume sans ressources ? Et le cannabis avait