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TRIBUNE

La cartographe et le territoire

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par Cécile Marin, Géo-cartographe
publié le 1er juillet 2011 à 0h00

La représentation du territoire par le cartographe est celle à laquelle nous accordons d’emblée la plus grande confiance. La carte est le fruit d’un travail de description précis et méthodique. Longtemps produite par des ingénieurs géographes pour les besoins des militaires, elle bénéficie à la fois de la validité supposée des travaux scientifiques et de la légitimité du document imprimé.

Pourtant, même la carte topographique au 1/25 000 (une précision de 1 mm pour 25 mètres seulement) qui accompagne nos randonnées en montagne, ne pourra jamais être l’exacte reproduction du terrain parcouru. Si le tracé rose magenta qui serpente dans la moraine du glacier Blanc nous mènera fidèlement jusqu’au refuge du même nom, plus haut, lorsque l’on prendra pied sur la glace vive, aucune carte ne nous signalera les crevasses récemment ouvertes et les séracs menaçants. Tout au plus, des lignes bleues tourmentées indiqueront qu’à cet endroit notre attention doit redoubler.

Il faut abandonner l'idée que la carte puisse être une image forcément juste et réaliste du territoire. Tout comme le peintre ou le romancier, le cartographe effectue des choix personnels et subjectifs dans sa représentation du réel. Le peintre passera les couleurs du paysage au filtre de ses émotions, omettra des éléments ou transformera les perspectives. De même, il est hautement improbable que vous puissiez atteindre la maison d'enfance gâtinaise de Michel Houellebecq en suivant le trajet qu'il décrit dans son dernier ro