Menu
Libération
Grand angle

Au Cambodge, un père sorti du néant

Article réservé aux abonnés
Trente-six ans après son arrestation par les Khmers rouges, Nam Péou a été miraculeusement retrouvé par un de ses fils. Torturé, il avait perdu la mémoire.
Apre?s la chute de Phnom Penh en 1975, l’officier Nam Pe?ou (photo de gauche à l'époque, de droite plus récente) tombe aux mains des Khmers rouges. (DR)
publié le 6 juillet 2011 à 0h00
(mis à jour le 6 juillet 2011 à 11h44)

C'est une longue histoire», commence Phyrun Péou, accoudé à une table de l'Herb café, un bar en terrasse situé à quelques pas du monument de l'indépendance, au cœur de la capitale cambodgienne, Phnom Penh. «Jamais nous n'aurions cru que cela puisse nous arriver.»

Cette histoire, rendue publique le mois dernier, détonne par rapport aux récits tragiques qui hantent ce pays martyrisé par le règne des Khmers rouges, ces communistes ultra-radicaux qui voulaient niveler la société cambodgienne et dépasser la Chine de Mao. Le prix de l’utopie a été la disparition, entre avril 1975 et janvier 1979, d’un quart de la population du pays, soit entre 1,7 et 2,2 millions de victimes, mortes par exécution, de famine ou d’épuisement sur l’autel de la pureté révolutionnaire.

Le Cambodge foisonne d’histoires de séparations, de disparitions, d’orphelins, de familles déchiquetées, mais rarement de réunions inespérées entre parents dispersés par le maelström khmer rouge. Or l’odyssée que raconte ce quinquagénaire énergique, en fumant cigarette sur cigarette, est le récit de retrouvailles entre lui et son père, Nam Péou, trente-six ans après qu’une section de Khmers rouges l’eut embarqué de force dans un camion militaire.

En 1975, Nam Péou, âgé de 47 ans, est un officier de police de belle allure, le regard déterminé, le front dégagé et surmonté d’un épais casque de cheveux, comme c’est la mode en Asie du Sud-Est à cette époque. Père de cinq garçons et de deux filles, il travaille