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Cambodge-Thaïlande : carnage à la frontière

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Dans les archives de «Libé» il y a 32 ans. Le régime khmer rouge s’effondre après l’invasion du Cambodge par le Vietnam. Fuyant les troupes de Hanoï, des dizaines de milliers de Khmers entrent en Thaïlande. Le royaume les repousse, provoquant un exode dramatique.
publié le 9 juillet 2011 à 0h00

Ne cherchez pas Dong Thuan sur la carte de Thaïlande : cet éperon rocheux qui perce les nuages gris et lourds de la mousson, aux confins de la Thaïlande et du Cambodge, pourrait tout aussi bien être une de ces planètes anonymes et invisibles à l'œil nu qui gravitent aux confins de la galaxie. Planète peuplée de morts-vivants. C'est là, en effet, que s'accroche à la vie un groupe de 900 survivants parmi les 40 000 réfugiés khmers refoulés par la Thaïlande, du 8 au 13 juin, à Preah Vihear. Thong-Kim San est l'un d'eux. Il est arrivé à Bangkok le 4 juillet et il s'y terre. Evadé de l'enfer, il a peur d'y être renvoyé. Il a une liste de 932 noms et il veut que «l'ONU fasse quelque chose… Qu'on aille les chercher, vite…» Alors il raconte, pour la première fois, ce qu'ont été les convois de la mort de Preah Vihear.

Dans la chambre minuscule, toutes fenêtres fermées, on est vite en sueur. Dehors, la nuit de Bangkok s'est fardée de néons tapageurs et le rugissement des moteurs sur les grandes avenues colle à la peau avec l'air moite et sale. Thong parle en khmer, d'une voix sourde, avec des gestes exagérés de ses grands bras maigres qui tremblent doucement. Il est sino-khmer, né au Cambodge. Il vivait depuis quarante ans à Battambang où il était ouvrier. Ce soir, nous ne parlerons pas des Khmers rouges ; dès leur repli devant l'avance des blindés vietnamiens, Thong a rassemblé les huit membres survivants de sa famille et a fui vers la Thaïlande toute proche. En mai, ils étai