Manifeste, pamphlet, utopie réactionnaire, ouvrage d'anticipation, guide pratique du terroriste ou délire narcissique? Le volumineux texte (1518 pages) envoyé à 5700 personnes par le tueur norvégien Anders Behring Breivik est un peu tout ça à la fois. Intitulé 2083, Une déclaration européenne d'indépendance, il se veut le manuel de référence du néo-croisé.
La couverture est ornée de la croix des Templiers et d'un incipit emprunté à Bernard Clairvaux, moine cistercien français du XIIe siècle, resté célèbre pour avoir joué un rôle actif dans la seconde croisade et dans le projet de guerre sainte de la chrétienté contre l'islam. Le texte daté de 2011 est signé d'Andrew Berwick, pseudo anglicisé du tueur norvégien.
Plagiant sans le citer un ouvrage du théoricien paléo-conservateur (par opposition à néo-conservateur) américain William.S.Lind, Breivik commence par définir l'ennemi, le «politiquement correct». Il est incarné par ce qu'il nomme le marxisme culturel et ses figures supposées que sont George Lukacs, Antonio Gramsci ou les membres de l'école de Francfort (Marcuse et Adorno). Leur tort présumé: avoir sapé les fondements de la civilisation européenne en favorisant l'émergence du multiculturalisme. Et avec lui de l'islam. Car c'est bien là l'obsession de Breivik et presque toutes les pages de son surnommé «compendium 2083» font part de l'inquiétude et de l'urgence de l'auteur à combattre «l'islamisation de l'Europe» et son allié le «ma