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Portrait

La confession d’un croisé

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Breivik, le procès d'une tueriedossier
Des documents permettent de retracer les derniers mois du Norvégien Anders Behring Breivik avant la tuerie.
publié le 25 juillet 2011 à 0h00
(mis à jour le 25 juillet 2011 à 8h20)

Deux photos d'Anders Behring Breivik se succèdent sur les chaînes de télévision norvégiennes. Sur l'une, un jeune homme blond aux yeux bleus, col de polo relevé, pose de trois quarts. Sur l'autre, une silhouette floue, vêtue d'un uniforme, marche sur des rochers entre des corps inertes. Anders Behring Breivik, 32 ans, voulait, selon son avocat, «changer la société, ce qui, selon lui, nécessitait de faire la révolution». Inculpé d'actes de terrorisme, il a affirmé aux policiers qu'il était le seul responsable des attaques commises vendredi à Oslo et sur l'île voisine d'Utoya. Selon un bilan provisoire, 93 personnes ont été tuées et 97 autres blessées. Breivik devait comparaître aujourd'hui devant la justice norvégienne.

Hier matin, devant la cathédrale où se déroulait une cérémonie en mémoire des victimes, les habitants d'Oslo semblaient abasourdis, incapables de comprendre comment un Norvégien inconnu et sans histoire a pu se transformer en tueur fou. «Je ne sais pas qui il est, juste qu'il est abject. Il nous a fait vivre un cauchemar absolu», explique Simon Lindholm, un soldat de 22 ans. Un peu à l'écart, Dag Bergerson, un enseignant de 56 ans, fixe le cortège des familles des victimes. «Je suis encore trop ému pour savoir quoi penser. C'est très étrange : d'un côté, ce type me paraît être quelqu'un d'intelligent, doté d'une certaine forme de courage. De l'autre, il a détruit la Norvège telle que nous la connaissions, pacifique et ouverte.»

«Monstre». Qui est Anders Behring Breivik ? Les enquêteurs refusent de donner des éléments sur son état d’esprit et ses motivations. Mais, pour tenter d’appréhender sa personnalité, il existe un document stupéfiant, publié par le jeune Norvégien sur Internet le jour des attaques. Une sorte de journal de bord doublé de pseudo-mémoires intitulé «2083 - A European Declaration of Independence». Selon son avocat, Breivik a mis plusieurs années à l’écrire. Sur 1 500 pages, sous le pseudonyme Andrew Berwick, le jeune Norvégien détaille, dans un style froid et sans emphase, sa haine du multiculturalisme et les moyens qu’il utilisera pour attaquer son pays. «Pour contourner la censure des médias marxistes et multiculturels, nous sommes obligés de lancer des opérations brutales qui provoqueront des pertes. […] Je serai perçu comme le plus grand monstre (nazi) jamais connu depuis la Seconde Guerre mondiale», écrit-il. Certains passages clés auraient toutefois été copiés sur le manifeste de Ted Kaczynski, dit «Unabomber», terroriste américain qui envoyait des colis piégés. «D’une certaine manière, ces deux hommes se ressemblent. Ils sont plutôt sophistiqués et ont tout planifié et exécuté seuls. Ils se voient comme des martyrs d’une cause supérieure», note Kristian Berg Harpviken, directeur de Prio, le centre de recherches norvégien sur la paix.

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