«L'Egypte islamiiiiiiique !» Il hurle avec la foule. La sueur roule par gouttes jusque dans sa barbe, qui s'effiloche sur le col de sa galabeya. Dans sa main droite brandie, un Coran. Dans l'autre, une pancarte, frappée du visage d'Omar Abdel Rahman, le cheikh aveugle emprisonné aux Etats-Unis pour l'attentat de 1993 contre le World Trade Center. Samir a roulé toute la nuit, à bord d'un autobus affrété par des groupes salafistes, pour participer à la manifestation.
Plus d'une centaine d'autres bus ont acheminé des hommes de tout le pays. «Regardez autour de vous ! C'est ça, l'identité de l'Egypte !» Des barbes par dizaines de milliers scandent place Tahrir des Allah akhbar («Allah est grand») enfiévrés. Vendredi, la manifestation qui aurait dû être unitaire, après deux jours de négociations entre les islamistes et le reste de l'opposition, a tourné à «l'Islamic Pride».
Dans l'après-midi, en signe de protestation, les 28 principaux mouvements d'opposition ont quitté le rassemblement. «Notre but commun devait être de réclamer la justice sociale, […] la purge du système, pas l'établissement d'une République islamique», commente Heba el-Wasfy, de la coalition des jeunes de la révolution. Le cheikh de la mosquée l'a expliqué à Samir : les autres, les «libéraux» comme il dit, pincé, «veulent enlever l'islam de l'Egypte. Ils veulent tuer le Coran». Samir fixe le sol : il ne regarde pas les femmes, ne leur serre pas la mai