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Libération
TRIBUNE

Cher ami, tu seras un démocrate…

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Lettres du printemps arabe 5/5
par Fouad Laroui, Ecrivain marocain, vit à Amsterdam
publié le 19 août 2011 à 0h00

Tu as fait la révolution. Tu as défilé, scandé des slogans, crié «dégage !» brandi des pancartes. Tu as fraternisé avec des «frères» improbables - certains te vouent de bon cœur aux feux de l'enfer et seront heureux de t'envoyer ad patres s'ils arrivent au pouvoir. Tu as sacrifié ton année scolaire ou universitaire, cassé ta voix, pris quelques horions quand la police finissait par sévir. Grâce à toi, le pays a bougé. Très vite. Une nouvelle Constitution a été adoptée, des élections sont prévues en automne. Bravo. Tu as gagné, même si tu refuses de l'admettre. Amère victoire, dis-tu. Elles le sont toutes. La lutte continue, dis-tu. Bien sûr : la révolution est une bicyclette, disait l'autre, si elle s'arrête, elle tombe. (Mais oui, tu as aussi brandi dans les cortèges une photo du Che. Un barbudo d'un autre temps.) On s'est fait avoir, dis-tu. Par qui ? 98% des votants ? Le peuple ? Allez, ne boude pas ton plaisir. Tu as gagné. Et maintenant ?

J’ai assisté un jour, à Paris, à une manifestation contre le mauvais temps. Le slogan qui fut repris avec le plus d’entrain était : «Météo, démission !» Les organisateurs posaient les vraies questions. «Que fait le gouvernement ?» Ou encore : «Y aura-t-il de la neige à Noël ?» Curieusement, la manif ne déboucha sur rien. Le lendemain, il y avait autant d’embouteillages que la veille sur le boulevard Saint-Michel. Bien sûr, tout cela était un canular bon enfant organisé par des jeunes gens qui se réclamaient à la fois des surréa