Pas moins cruel qu'Hafez al-Assad ou Saddam Hussein, et comme eux capable de passer des villes entières au fil de l'épée. Pas non plus moins tyrannique ni dénué du moindre scrupule. Mais dans le gang des dictateurs arabes, Muammar al-Kadhafi faisait la différence par ses pitreries, sa dimension ubuesque, le côté carnavalesque qu'il avait donné à son régime, où lui-même apparaissait grimé à outrance, travesti comme s'il s'était donné comme rôle celui d'incarner un Caligula oriental. On a oublié nombre des clowneries, commises au fil de ses quarante-deux ans de règne par le bouffon de Syrte. Certaines étaient pourtant drôles, en particulier ses foucades à l'égard de ses pairs arabes, comme ce gant noir qu'il avait enfilé avant de serrer la main du défunt roi Hassan II. Ou encore lorsque, rendant visite à quelque potentat du Golfe, il était apparu avec les Amazones en treillis qui lui servent de gardes du corps. Pourtant, personne n'osait rire, même quand il lançait : «Shakespeare, ce grand dramaturge d'origine arabe.» Ou expliquait que le nom de l'Amérique venait du mot émir. Quelque part, les révolutionnaires font toujours peur.
Révolutionnaire, il ne l'était plus beaucoup, surtout depuis son spectaculaire rapprochement avec les Etats-Unis, au début des années 2000, considérés jusque là comme l'incarnation du Mal. Alors, plus le déguisement s'effilochait, plus perçait sa véritable personnalité, celle d'un authentique psychopathe. «Le berger des Syrtes», comme