Rony Brauman, 61 ans, a présidé Médecins sans frontières de 1982 à 1994. Professeur associé à SciencesPo, il réfléchit depuis des années aux effets des interventions humanitaires. Le 21mars, dans Libération, il avait estimé que les bombardements ne pouvaient instaurer la démocratie.
Vous étiez opposé à l'intervention militaire en Libye. La prise de Tripoli par les rebelles n'invalide-t-elle pas votre raisonnement ?
Je suis dans la même situation paradoxale qu’au début : j’ai l’espoir d’avoir tort. Sur un plan strictement militaire, je n’ai jamais douté que la puissance militaire de l’Otan entraînerait la chute de Kadhafi, comme en Irak, en Afghanistan ou ailleurs. Mais je remarque deux choses. D’une part, contrairement à ce que déclaraient les chancelleries occidentales aux toutes premières heures, le but de l’intervention, qui devait être circonscrit à la protection des populations, est vite devenu la chute du régime de Kadhafi. C’était inscrit dans la logique des choses : qui dit protection des populations dit changement de régime. Cet objectif-là est atteint, oui.
Mais sa réalisation ne change pas la nature du problème que j’essayais de poser au début du conflit : abattre un régime par la violence, et plus encore par une violence en partie extérieure, n’est pas un bon moyen d’instaurer la démocratie. A cet égard, ce que le Conseil national de transition ou son émanation va f