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Libération
Grand angle

Japon, miroirs du chaos

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Tomohiro Sasaki était le photographe municipal de Minami Sanriku. Le 11 mars, sa ville a été dévastée par le tsunami. Pour «Libération», il est revenu sur les lieux de ses clichés.
publié le 30 août 2011 à 0h00

Photos TOMOHIRO SASAKI

«Il en faut de la mémoire pour se souvenir de ce quec'était avant.» Tomohiro Sasaki se tient immobile au cœur d'une cité qui n'existe plus. De son regard embué par la pluie ou les larmes, il tente d'épouser les contours de Minami Sanriku, balayée par les eaux. Un port de pêche désormais sans visage, un fantôme pétrifié depuis le tsunami. Le 11 mars, les villes côtières de la région de Tohoku ont été en partie rayées de la carte : 400 kilomètres de long sur 5 de large. Effacée, l'histoire. Enfoncée, la géométrie. Engloutis les quelque 30 000 habitants de la côte. A Minami Sanriku, 17 000 âmes avant, 8 000 survivants, quelques squelettes d'immeubles en béton : 80% des bâtiments de la ville ont été avalés. Tomohiro Sasaki, 40 ans, se souvient de la moindre maison, de la plus petite histoire de sa ville. Il était le photographe officiel de la municipalité. Vingt ans durant, il a pris des clichés de ses fêtes, ses cérémonies, sa vie ordinaire.

On est tombé sur lui par hasard, un soir d'avril. On roulait, la nuit s'avançait. Partout, un fatras de tôles concassées, des militaires qui fouillent les décombres à la recherche de corps. Quelques rares maisons sont encore debout, léchées par une marque boueuse, couleur ébène : celle de la vague qui s'est arrêtée là, à 23 mètres au-dessus du niveau de la mer. On frappe, on patiente dans l'obscurité, pas d'électricité. «Bienvenue»,<