Si Woody Allen, paranoïaque, hypocondriaque, caustique, hystériquement drôle et artiste de génie, était par un hasard historique né dans une petite ville arabe de Galilée, Tira - devenue israélienne à la création de l'Etat hébreu, en 1948 -, il pourrait s'appeler Sayed Kashua. Dans ce cas, son humour et son regard critique sur le monde qui l'entoure lui apporteraient beaucoup d'ennuis. New-Yorkais névrosé, obsédé et nostalgique, c'est moins dangereux que Palestinien écrivant en hébreu, parlant arabe à la maison, vivant dans un quartier bobo juif de Jérusalem, conduisant une Rover chic pour passer les check-points - «les Arabes en Subaru se font arrêter tout le temps, mais en Rover…» explique Sayed Kashua.
Les deux, le juif américain et le Palestinien israélien, souffrent de schizophrénie intellectuelle, mais si l’une se soigne avec la psychanalyse - ou en réalisant des films -, l’autre est aujourd’hui plus incurable : réconcilier la Palestine et Israël nécessite plus qu’un professionnel de l’inconscient.
Cependant, Kashua, comme Allen, rentabilise sa névrose. A 36 ans, il est chroniqueur vedette du quotidien Haaretz. Ses trois livres, best-sellers en Israël, sont traduits dans le monde entier, et il est couvert de prix littéraires. Très fier d'avoir été adoubé par la France au rang de chevalier des Arts et des Lettres, il raconte dans une chronique qu'il a annoncé à sa femme : «Je ne fais plus la vaisselle, je suis chevalier.» La chronique était acco