Sur la commode de son petit salon, Alice a posé un grand portrait de Jésus Christ. Entre les rainures de l'encadrement, elle a glissé la photographie de son président, Paul Kagame. Les deux hommes ont le même visage fin, l'air protecteur et inquisiteur d'un patriarche. Jésus et Kagame, ses «deux sauveurs», comme elle les appelle. Les deux puissances qui l'ont forcé au pardon et ont «chassé le diable du Rwanda». Au nom de la foi, pour l'un, du patriotisme et de l'ordre national pour l'autre. Alice vit dans la petite ville de Gisenyi, au bord du lac Kivu. Elle n'a que 53 ans, mais son visage ridé et son corps trop lourd lui donne des airs de vieille dame. Son mari et ses deux enfants ont été décapités devant ses yeux en avril 1994, au début du génocide. Cachée dans le grenier, elle a reconnu le tueur. C'était leur voisin. Leur «meilleur voisin d'avant». Aujourd'hui l'assassin est mort. Mais sa femme, celle qui avait dénoncé «la famille de Tutsis qui se cachait là», vit dans la maison d'à côté, sous le grand avocatier qui dépasse du haut mur. «On se dit bonjour quand on se croise, confesse Alice. On se laisse vivre en paix. Je fais semblant. Mais, au fond c'est toujours mon ennemie. C'est humain…» C'est humain, mais Dieu voit tout. Et le gouvernement aussi.
Le Front patriotique rwandais (FPR), ancien mouvement de libération désormais au pouvoir, a des informateurs dans chaque quartier, chaque village, chaque district. En 2007