Sur la grand-place dominée par la façade vanille de l'hôtel de ville baroque, un écran vidéo retransmet en direct la réunion du conseil municipal. L'ambiance est électrique. A l'intérieur, les élus de la droite populiste, majoritaires à l'assemblée municipale, invectivent la maire indépendante, Eva Tétényi : «Tu es la maire la plus stupide du pays ! Pas question de mettre tes propositions à l'ordre du jour.» La première élue rétorque : «Démissionnez si vous ne voulez pas coopérer !» Dehors, la foule a choisi son camp : «Idiots, on ne veut plus de vous ! Vive Eva Tétényi !»
A chaque assemblée municipale, la même scène se répète à Esztergom, ville de 30 000 habitants à une heure de route de Budapest. Le 3 octobre 2010, Eva Tétényi, architecte sans étiquette politique, a remporté le fauteuil de maire, éjectant son prédécesseur de droite, en place depuis dix ans. Mais le parti populiste, le Fidesz, est resté majoritaire au conseil. C’est en effet une particularité hongroise que les électeurs glissent deux bulletins dans l’urne aux municipales. L’un est pour le maire, et l’autre pour un parti. Le Fidesz est arrivé en tête, avec un petit tiers des suffrages. Depuis, ses élus, soutenus par le pouvoir à Budapest, empêchent la maire de gouverner, sabotant au passage la vie de la cité. Les bus n’ont pas circulé de tout l’été, faute de contrat avec la société de transport. La majorité refuse de modifier la taxe sur les ordures ménagères, non conforme à la loi