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portrait

En mémoire de Cassandre

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Jean-Michel Bouvier. Ce père d’une jeune femme, assassinée en Argentine, combat sa douleur en voulant faire reconnaître la notion de «féminicide».
publié le 27 septembre 2011 à 0h00

Cassandre est là. Le portrait en noir et blanc de la jeune femme est posé sur l'étagère du salon d'un confortable appartement parisien. Une belle fille au visage volontaire, encadré par des touffes de cheveux bruns anarchiques. Les yeux sont noirs, profonds, un peu effrontés. Ou plutôt déterminés. «La dernière fois que je l'ai vue, à la morgue de Salta [Argentine], ils n'avaient pas réussi à les lui fermer, murmure Jean-Michel Bouvier, son père. Le visage était tuméfié, martyrisé, comme si on s'était acharné sur elle. Paradoxalement, le moins impressionnant était le trou de la balle qui l'a tuée.»

Partie à Buenos Aires pour animer un colloque sur «l'Orientalisme en Amérique du Sud», Cassandre Bouvier, 29 ans, avait décidé de prolonger son séjour par une virée touristique dans le nord du pays en compagnie d'une amie, étudiante comme elle à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine (IHEAL, Paris). Ces deux amoureuses du continent latino sont mortes sur un sentier de randonnée dans la réserve naturelle de la Quebrada de San Lorenzo, à 1 600 kilomètres de la capitale argentine. Rouées de coups, violées et assassinées le 15 juillet par une horde sauvage guère plus âgée qu'elles. «Contrairement à ce que j'ai pu lire, elle était pourtant très prudente, ma Cassandre, assure Jean-Michel Bouvier en se rasseyant sur le bord du canapé rouge qui fait face à la photographie. Elle avait l'habitude de voyager dans des pays beaucoup plus criminogènes que l'Argentine.»