Menu
Libération

La razzia immobilière des oligarques cambodgiens

Article réservé aux abonnés
publié le 29 septembre 2011 à 0h00

Des poutrelles en béton armé et des pans de murs émergent des eaux boueuses du lac de Boeung Kak dans le nord de Phnom Penh, la capitale cambodgienne. Au-dessus des décombres, des habitants ont tendu une toile cirée sur laquelle ils ont inscrit : «Pourquoi détruire avant de se mettre d'accord ? Où sont mes droits ? Où est ma maison ?» Des hommes en chemises sales fouillent les gravats à la recherche d'ustensiles ménagers ou de morceaux de métal. La veille, une dizaine de bâtiments bordaient cette rive du lac aux trois quarts comblé. En moins d'une heure, des pelleteuses de la firme immobilière Shukaku, concessionnaire de la vaste étendue de sable qui couvre désormais l'ancien lac, ont pulvérisé le bloc. Quand les habitants ont tenté de repousser les pelleteuses à coups de pierres, un peloton de policiers antiémeutes a chargé la foule et a généreusement distribué des coups de matraques. Une vidéo de l'incident postée sur YouTube a immédiatement été bloquée par le gouvernement cambodgien.

Ces expulsions de miséreux pour le compte d'une firme privée - appartenant au sénateur Lao Meng Khin, proche du Premier ministre - témoignent d'une dérive affairiste de l'Etat cambodgien. Les intérêts privés de ceux qui contrôlent le pouvoir et de leurs alliés priment sur l'intérêt public. Ministères, commissariats de police et universités situés au cœur de la capitale (où le prix du mètre carré a été multiplié par 200 en dix ans) sont vendus à des promoteurs ou «échangés» contre des