Partie de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010, la révolution tunisienne est porteuse d’un paradoxe aussi puissant qu’inquiétant.
Les revendications exprimées par les manifestants reflétaient un idéal commun que traduit le slogan scandé dès les premiers jours de la révolte : «Travail, liberté, dignité nationale». Elles exprimaient à la fois une demande sociale forte, une exigence de participation à la décision politique et une soif de justice contre un système mafieux et corrompu. Le 14 janvier, les Tunisiens paraissaient unis pour en finir avec Ben Ali et son régime. Pourtant, depuis cette date, les divergences qui se sont creusées ne permettent pas de croire que le souvenir de Ben Ali ou de Bouazizi serait suffisant pour garantir la cohésion nationale. Des dissensions importantes n’ont eu de cesse d’apparaître quant à la désignation de la révolution ou des acteurs censés l’incarner : révolution du jasmin ou révolution de la liberté et de la dignité ; régions de l’intérieur ou régions côtières ; Tunisiens de l’étranger ou Tunisiens de l’intérieur ; élites ou rue ; Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) et les autres, et la liste est longue.
S'il est vrai qu'il y a eu d'autres moments d'unité relative, comme celui du 15 août, autour des mobilisations - par ailleurs fortement réprimées - pour une justice indépendante, le débat semble se cristalliser à quelques jours des élections sur les scènes médiatiques nationale et internationale autour du «chiffon vert». Que se passer