Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb (1), a récemment analysé, dans une série d’entretiens, les révolutions du printemps arabe.
Kadhafi, Ben Ali, Moubarak disparus de la scène, comment voyez-vous l’évolution des pays arabes ?
Les têtes d’affiche des systèmes dictatoriaux ont disparu, il reste à construire un Etat de droit. Il fallait en passer par là. Mais la nouvelle scène qui commence est pleine de risques - en particulier sur la question du lien national - et d’espoirs, pour ce qui concerne les libertés individuelles et politiques. On a levé l’hypothèque des régimes autoritaires dans ces trois pays, l’Egypte, la Tunisie et la Libye ; en Algérie, la situation reste plus incertaine.
Maintenant, il est illusoire de croire que la fin des régimes autoritaires débouche de manière automatique sur des régimes démocratiques, parlementaires, comme on en connaît en Europe. Il faut d’abord conquérir l’habitude de la démocratie. L’habitude du débat démocratique, de l’exercice démocratique. Et cela passe par l’installation du multipartisme. Mais le problème, c’est justement la constitution de formations politiques. L’une des caractéristiques de ces régimes autoritaires, c’était d’empêcher tout parti intermédiaire entre la société et le pouvoir. Il faudra du temps pour construire ces médiations intermédiaires. L’habitude démocratique, c’est également admettre la parole des autres. Il faudra que les partis politiques acceptent l’idée qu’on puisse avoir des prog