Les deux sacs en plastique, qui ont été ensevelis à la va-vite sous un mètre de terre, reposent probablement toujours derrière la présidence du Conseil de Phnom Penh, aux abords d’une ligne de chemin de fer de la capitale cambodgienne. Ils renferment trois documents officiels : un permis de conduire, une carte d’identité et une carte de sécurité sociale. Ceux de Laurence Picq. Mariée à l’époque à un responsable khmer rouge, Suong Sikoeun, proche de l’un des dignitaires du régime, Ieng Sary, elle est l’un des très rares témoins étrangers à avoir vécu de l’intérieur le huis clos de la terreur à Phnom Penh. Elle a enterré ces documents en 1976 pour cacher son passé et ses origines au régime paranoïaque et xénophobe qui traquait sans relâche «l’ennemi intérieur» et les «espions de la CIA et du KGB».
Aujourd’hui, trente-cinq ans plus tard, Laurence Picq attend fébrilement les paroles de l’ancien dignitaire khmer rouge Ieng Sary, dont le procès pour génocide, ainsi que celui de trois autres responsables, est censé démarrer début 2012 à Phnom Penh. Sans trop y croire : l’audience est constamment repoussée depuis des mois. La Française s’est également lancée dans l’écriture d’un nouveau livre pour «vraiment comprendre cette folie, cet enfermement et cette responsabilité collective, mais aussi individuelle». Elle met la dernière main à ce qui ressemble à un bilan de cinq années d’enfermement. Cette ancienne institutrice, devenue psychologue, s’y livre à l’analyse