Le dimanche 15 mai, la manifestation qui défile de la place Cibeles à la Puerta del Sol ne semble qu'une opération de plus, portée par une jeunesse espagnole surdiplômée, précarisée et désespérée. Elle suscite quelques accrochages avec la police. Une vingtaine de jeunes ayant été gardés à vue, le collectif porté par la plateforme «Democracia real ya !» refuse la dispersion en signe de solidarité. A la grande surprise des associations, des centaines de jeunes dorment quelques heures sur le bitume, puis l'«acampada» se structure progressivement : groupes de paroles, équipes de projet, pétitions… Pendant plus d'un mois, à Madrid et dans d'autres grandes villes (Barcelone, Valence, Malaga, Séville…), des dizaines de milliers de jeunes, et de moins jeunes, ne se contentent plus de crier leur malheur.
La génération «zéro», les «ni-ni» (ceux qui ne travaillent pas et n'étudient pas), crie maintenant des slogans positifs. Les Indignés deviennent «si-si-si !» Car ils demandent positivement à reconstruire des valeurs éthiques, à redéfinir la représentation politique et à refonder des pratiques démocratiques.
Ils savent bien qu'ils ne sont pas seuls : le cycle de protestations juvéniles du printemps espagnol s'insère dans une traînée de poudre qui part du Noël tunisien, passe par la place Tahrir au Caire, en février, puis enflamme, au début du printemps, Lisbonne, avec la génération enragée (Geração á rasca), qui rebondit à Londres en juillet,