A la veille de la révolution, j’ai rencontré Manhal Barish plusieurs fois au palais de justice à Damas ; son père, alors détenu, y subissait un procès. A la sortie de chaque séance, nous nous rejoignions, avocats, activistes et amis au café Al-Deryeh autour d’une vieille table pour prendre un thé Oukrok Ajam au goût amer. Nous échangions les nouvelles du pays, des gens et des nouvelles révolutions qui nous entouraient. Ma dernière rencontre avec lui date du 16 mars, le jour du rassemblement du ministère de l’Intérieur, où il était venu avec ses amis, portant des photos grand format de dizaines de prisonniers d’opinion en Syrie, les mêmes photos qui ont été déchirées quelques secondes plus tard, juste au début du rassemblement. Le temps s’est vite écoulé avant que je n’apprenne que Manhal était devenu un des activistes leaders dans sa ville, Saraqeb, au nord du pays.
Il était un des membres principaux de la Coordination, chargé de l’organisation des actions protestataires de la ville. Depuis l’invasion de Saraqeb, début mai, et après l’arrestation de 38 activistes de terrain, Manhal, 31 ans, vit avec des dizaines d’autres opposants dans les prairies, dormant à même le sol dans les champs de blé et à l’ombre des oliviers. Là-bas, ils accomplissent les gestes essentiels de la vie quotidienne pour survivre, de la préparation des omelettes jusqu’à l’écriture des slogans des manifestations. Pour autant, ce n’est pas aussi romantique qu’on pourrait l’imaginer. Loin de chez eux, de l