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Libération
Critique

L’honneur dû à Cioran

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Le cahier Livres de Libédossier
Première édition dans la Pléiade des œuvres rédigées en français de l’écrivain d’origine roumaine, sarcastique maître du pessimisme qui fut également un bon vivant
publié le 17 novembre 2011 à 0h00

Sans doute il aurait accueilli cette consécration sur papier bible avec l'un des sarcasmes désabusés qui ont fait sa réputation. «Une dalle funéraire, pire que le Nobel», ricanait Emil Cioran, suppliant son ami Constantin Tacou de renoncer à lui consacrer un Cahier de l'Herne. Il ne sortit qu'en 2009 et reste indispensable pour comprendre ce maître du pessimisme et de l'art de penser contre soi. Maintenant il entre dans la Pléiade, reconnaissance suprême - le Panthéon étant peu probable - pour ce philosophe d'origine roumaine que sa maîtrise de la phrase française autant que sa misanthropie ont inscrit comme l'un des principaux héritiers des moralistes du Grand Siècle.

L'ouvrage ne réunit que les œuvres écrites en français, langue «exténuée» qui le fascinait autant qu'elle le faisait souffrir «par sa clarté inhumaine et son refus de l'indéterminé», dans laquelle il se coula après la guerre en décidant de rester à Paris plutôt que de revenir dans une Roumanie communiste. Le Cioran français est certes le seul qui atteigne à l'universel, et l'élégant volume relié de cuir a en outre l'immense avantage sur le «Quarto» qui le précéda d'être aisément transportable ; les essais, réflexions et aphorismes de cet écrivain resté jusqu'à sa mort apatride sont de ceux que l'on ne cesse de lire et relire.

Inanité.«Les œuvres meurent, les fragments, n'ayant pas vécu, ne peuvent davantage mourir», rappelait-il dans Aveux et anat