Pour déchiffrer les péripéties de l’histoire la plus longue de l’Histoire, les égyptologues ont pris coutume d’appeler «périodes intermédiaires» ces trois longues époques tourmentées où, sur les ruines des grandes dynasties pharaoniques, ont un temps triomphé le chaos, la violence et la décadence. C’est comme si ce spectre venu des tréfonds de l’Antiquité hantait à nouveau ce peuple exténué par sa dernière révolution.
Un appareil militaire crispé et omniprésent qui fait donner la troupe contre les «enragés» de la place Tahrir, des islamistes avides de pousser leur avantage sur la terre d’élection des Frères musulmans, et une jeunesse éprise de liberté qui se refuse à capituler, toutes ces forces sont en ébullition dans la grande forge politique qu’est devenue l’Egypte.
A une semaine des élections législatives qui doivent être - sur le papier au moins - les plus libres que ce pays ait jamais connues, l’histoire n’a pas encore choisi son camp. Les uns, aux arrière-pensées peu avouables, veulent repousser cette première démocratique, les autres s’y accrochent pour qu’enfin l’armée cède le pouvoir aux civils, partage sa puissance économique et amorce un retour dans ses casernes. Il faut souhaiter qu’une mécanique démocratique, même imparfaite, se mette en place au plus vite : elle seule, par le jeu contradictoire du pluralisme, peut débloquer la situation, faire émerger de nouvelles forces, et ainsi conjurer les menaces extrêmes qui pèsent sur le destin du plus grand des pays arab