Depuis vendredi, Mahmoud n'a pas quitté la place Tahrir… des yeux. Affalé sur un canapé dans l'hôtel miteux où il est employé, ce jeune Egyptien vit la révolution par procuration, à travers la lucarne. De nombreuses chaînes d'info, Al-Jezira en tête, retransmettent 24 heures sur 24 les événements grâce aux caméramans postés sur des balcons. Mahmoud accompagne de «waouh» ou de «yeah» les changements de plan montrant alternativement la foule compacte et électrisée de Tahrir et les affrontements entre jeunes et policiers dans la rue Mohamed-Mahmoud, devenue un champ de ruines. Son hôtel n'est qu'à cinq minutes de marche de la place. Cinq minutes de trop pour Mahmoud, qui n'a pas spécialement envie de respirer les puissants gaz lacrymogènes lancés sans discontinuer par les forces antiémeutes. «Je suis d'accord avec les révolutionnaires, mais j'ai trop de travail», se justifie dans un soupir ce jeune rondouillet. La figure de Mahmoud peut prêter à sourire, mais nombreux sont les Egyptiens qui, comme lui, se tiennent à distance de la révolution. Par méfiance, par peur, par ignorance mais aussi par conviction.
Tourisme. A quelques mètres à peine de Tahrir, Chaban, 35 ans, a installé son étal de bonnets et d'écharpes. L'hiver étant doux, les affaires ne roulent pas fort. «L'économie de l'Egypte va mal et ce qui se passe aggrave la situation. Beaucoup de magasins sont fermés, il n'y a plus de tourisme, il faut que ça se calme maintenant»