Le prochain gouvernement marocain a déjà un visage. Celui d’Abdelilah Benkirane. Agé de 57 ans, la barbe blanche de trois jours, le regard cabotin, ce tribun, à la physionomie d’un bon père de famille, est devenu champion des petites phrases et des grosses colères. Premier islamiste à diriger un gouvernement, c’est donc un homme à la personnalité rugueuse, parfois effrayante. Il a emmené sa formation à la victoire, historique, puisque le Parti justice et développement (PJD) a remporté ces législatives anticipées avec 107 sièges sur les 395 que compte le Parlement.
Ces derniers mois, il s'était attaché à en lisser l'image. Comme avec cette phrase, confiée à Libération : «On est un parti à référentiel islamique, mais, rassurez-vous, on ne demande pas à nos militants s'ils font la prière.»
D'une lutte féroce en 2003 contre la réforme du code de la famille - qui devait donner le droit de divorce aux femmes - en déclarations tonitruantes en juin 2011 accusant Elton John «d'homosexualiser le Maroc» et Shakira de «favoriser les mœurs légères» lors d'un festival à Rabat, Abdelilah Benkirane est passé à une campagne tout en nuances se concentrant sur la lutte contre le chômage et la corruption. Cette fois, cet enseignant de physique à la retraite a soigneusement évité les questions morales. «Des gens vous poseront encore et toujours les mêmes questions. Interdirez-vous les maillots de bain sur les plages ? Fermerez-vous les bars ? À tous ces gen