Un grand débat agite la Turquie depuis une dizaine de jours : la responsabilité de la république dans le massacre du Dersim qui, en 1937, avait provoqué la mort de milliers de Kurdes de confession alevie, un courant moderniste issu du chiisme. Le tabou est tombé le 23 novembre, lorsque le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a adressé des excuses. «S'il est nécessaire que l'on s'excuse au nom de l'Etat, je m'excuserai et je m'excuse», a martelé le leader charismatique de l'AKP, parti islamiste au pouvoir depuis 2002.
Jamais un massacre en Turquie n’a fait, jusqu’alors, l’objet d’excuses officielles. A Dersim, dans l’est de la Turquie, l’armée avait écrasé en 1937 une rébellion accusée de mettre en péril l’unité de la nation, faisant 13 500 morts selon le bilan officiel, mais les historiens parlent de 30 000 à 50 000 morts. Après le massacre, Dersim sera rebaptisée Tunceli, «la main de bronze», du nom de l’opération militaire. Dans son discours, Erdogan a appelé le CHP, le parti républicain du peuple fondé par Mustapha Kemal, parti unique au pouvoir jusqu’en 1945 et, aujourd’hui, principale force d’opposition à prendre ses responsabilités. Ironie du sort, son actuel président, Kemal Kilicdaroglu, est lui-même originaire de Dersim. Une partie de sa famille a, elle aussi, été victime du massacre. Le Premier ministre a trouvé là une occasion de mettre en difficulté l’opposition laïque, tout en renforçant sa popularité auprès des Kurdes. Il s’agit aussi d’un geste