Spécialiste reconnu de l’Europe centrale et orientale, Jacques Rupnik, professeur au Ceri-Sciences-Po (Paris), a été un ami et compagnon de lutte du dissident, puis un conseiller du Président.
Quel est, selon vous, le principal legs politique de Václav Havel ?
Il incarne un symbole, celui du «philosophe-roi», celui de l’intellectuel confronté à l’épreuve du pouvoir. Lui, l’ancien dissident, auteur du texte devenu célèbre «le Pouvoir des sans-pouvoir»(1978), s’est retrouvé dans la situation de mettre en œuvre ce qu’il préconisait. Il est resté fidèle à son idée de la démocratie et de l’importance de la société civile. Ainsi, il n’a jamais créé de parti du Président. En 1989, le peuple tout entier se reconnaissait dans son parti, drapeau de la lutte pour la liberté. Ensuite, quand la coalition qui a renversé le communisme a éclaté en 1992, et que le parti des anciens dissidents s’est effondré électoralement, il n’avait plus de relais politique direct. Mais il lui restait le charisme et la force du verbe. Son aura était telle qu’il réussit à transcender les pouvoirs très limités de la fonction présidentielle, devenant un nouveau Thomas Garrigue Masaryk, le philosophe et premier président de la Tchécoslovaquie, en 1918.
N’a-t-il pas été une exception à l’Est ?
Il y a aussi l’exemple polonais avec Lech Walesa, mais la plupart des anciens dissidents des ex-pays socialistes ont rapidement quitté le devant de la scène. Quand, après la chute d’une dictature, un pays se donne comme président ou Premier ministre quelqu’un qui a eu ce courage de résister, contrairement à l’écrasante majorité des