«Un intellectuel n'est jamais à sa place.» Loin de déplorer ce décalage originel, le poète Havel, dans la foulée de Beckett, Ionesco et Lou Reed, institue le déracinement moderne règle de vie et stratégie de pensée. Il ne pose pas. Dissident déjanté, président bohème, son refus inoxydable de se prendre pour un messie conducteur des peuples coupait court aux prétentions des «engagés» de naguère. Au sortir de la Révolution française, Joseph de Maistre postulait que seul le pouvoir spirituel et temporel d'un pape pouvait sauver l'Europe. Les chefs communistes, Lénine et la suite, prétendirent à leur tour à l'infaillibilité pontificale, avec eux les führers et les ayatollahs.
Au contraire, la rigoureuse modestie d'un Havel, écrivain d'un côté, chef d'Etat de l'autre, refusait de fusionner ciel et terre : «Je viens d'un pays plein d'impatients. Ils sont peut-être impatients parce qu'ils ont si longtemps attendu Godot qu'ils ont l'impression qu'il est arrivé. C'est une erreur aussi monumentale que celle de leur attente. Godot n'est pas venu. Et c'est très bien ainsi, car si un Godot arrivait, il ne serait que le Godot imaginaire, le Godot communiste.»
Détournant les plus pures convictions, l'impitoyable XXe siècle lança les guerres totales en mobilisant pour la paix et justifia, au nom d'un Bien suprême, l'abomination des camps de la mort et des goulags. Face à pareil cataclysme mental, les 242 premiers signataires de la Charte 77 optent pour une «ph