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Libération
Interview

«Le doute s’insinue désormais au sein même de l’oligarchie au pouvoir»

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Thomas Gomart, spécialiste de la Russie, chercheur à l’Institut français des relations internationales :
publié le 26 décembre 2011 à 0h00

Directeur du centre Russie-Nouveaux Etats indépendants à l'Ifri, Thomas Gomart publie dans la Revue des deux mondes à paraître en janvier l'article «Vladimir Poutine, mâle dominant de toute la Russie».

Est-ce le début d’un «printemps russe» à l’image des printemps arabe ?

Les printemps arabes ont certes créé une atmosphère propice et levé des inhibitions, mais cette révolte est, je crois, sociologiquement très différente. Les manifestants de Moscou et de Saint-Pétersbourg ne naissent pas d’une jeunesse frustrée, sans emploi et sans espoir d’en trouver dans des sociétés totalement bloquées. L’économie russe offre des perspectives aux jeunes diplômés. Les manifestants sont pour la plupart issus des classes moyennes, ont entre 30 et 40 ans, ont bénéficié des années Poutine et ont vu leurs conditions de vie s’améliorer. En revanche ils se sont heurtés au plafond de verre de l’oligarchie. Et, surtout, ils ont été scandalisés par le tour de passe-passe de septembre et le retour programmé de Vladimir Poutine au Kremlin jusqu’en 2024. Les fraudes grossières lors des élections législatives de décembre ont été le déclic.

La peur a-t-elle disparu ?

Il y avait régulièrement, depuis plus de dix ans, des manifestations à Moscou regroupant quelques centaines ou quelques milliers de personnes, presque toujours durement réprimées. Un verrou psychologique a incontestablement sauté, comme le montre l’importance du rassemblement de samedi. Ce mouvement prouve qu’il existe en Russie, du moins dans les grandes villes, une maturité politique beaucoup plus avancée qu’on l’imaginait. Le r